Pendant des années, je n’avais plus touché un centimètre de verdure. Émue, je l’étais. Seule, incroyablement abandonnée.
Il m’a fallu que d’un instant, les pieds nus dans ce champ pour que tout me revienne. Si des mots comme époustouflant, rayonnant ou chaleureux n’avaient pas été galvaudés par des meutes d’écrivains, c’est ceux-là que j’aurais employés.
De l’herbe sèche qui pique mes orteils, une terre avide d’eau qui craquèle, nous permettant de découvrir une vie souterraine grouillante. Une odeur de bitume mélangée à celle de racines, de jeunes pousses.
J’ai aimé la nature comme je n’ai jamais aimé personne ou quelque chose.
J’ai aimé la musique qui en émanait. Une musique faite de vent, de gouttes, de chants de merle. Comme celui-ci, qui vole dessus moi, ou celui-là qui au loin semble vouloir appeler un congénère.
Tellement d’amour, enfin, celui pur, qui n’attend rien, qui ne fait qu’un avec tout le reste. Qui remplit la réalité de jaune et de verts chrome, sapin, olive ou tilleul.
Ce sentiment que rien ne compte car tout est là.
Je dis à Nina que je pourrais m’arrêter ici.
Nina secoue la tête. Elle devient un berger à son tour, me prenant par la main pour ne pas perdre de temps. Elle sait que le chemin sera beau. Que je voudrais m’asseoir ou danser partout.
Elle sait combien je suis sensible à ce monde que les Hommes ont transformé. A ce décalage entre nos préoccupations financières et à la réalité du temps qui arrêtant de s’écouler nous plonge dans une béatitude simple.
Elle sait que je vais douter.
Au bout d’à peine 50 kilomètres, j’étais déjà prête à m’établir, émue par ce qui m’entourait.
Je n’aurais pas pu arriver au bout sans Nina.