Mi Janvier 2016 – Céleste

Mi Janvier 2016 – Céleste

La tête qui tourne, mes jambes me guident jusqu’à l’abri bus. Il fait froid et il fait sombre. Je voudrais voir l’heure mais j’hésite à regarder mon téléphone. Et puis merde, il est donc 3h du matin.

La rue est quasi déserte. Il y a un chat. Et moi.

Et si.

Et si je m’allongeais sur le bitume ? Et si je me mettais à chanter ? Et si le bus arrivait mais s’arrêtait avant de m’écraser ? Et s’il ne me voyait pas ? Et si quelqu’un en descendait ? Et si c’était toi ? Et si ça en était un autre ?

J’aurai du prendre un manteau. Le béton est trop froid pour mon dos quasi nu.

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Novembre 2015 – Céleste

Novembre 2015 – Céleste

Penchée sur la table, au-dessus de l’ordinateur, mon esprit file à la vitesse de l’éclair. Les mots surgissent sur la page sans que j’ai eu la nette impression qu’ils se soient présentés à moi avant. Une tâche épuisante et reposante à la fois. Je laisse cette partie de mon esprit travailler pendant que se dessine devant moi une cabane en bois, brune, petite et rassurante.

De l’herbe verte. Où je me roule. Cette odeur fraîche qui picote mon nez. Ces tiges qui frôlent mon visage. Mes jambes rougies par le frottement du sol. Et ton rire, oui ton rire. Mon frère a un rire si communicatif que quand il partait dans un éclat, Max et moi le suivions sans attendre.

La fratrie. Seule fille après deux garçons. Je n’avais jamais peur de rien avant.

Le cabinet s’engage à …

La Savoie, pays de mon enfance. Ma grand-mère était une femme douce mais masculine. Elle n’aurait su tolérer un autre homme sous son toit. Est-ce pour ça que je n’ai jamais eu de père ?

J’ai envie de voir les montagnes. Je change mon fond d’écran.

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12 Novembre 2015 – Nina

12 Novembre 2015 – Nina

Ce soir, ce sont nos 6 ans de mariage. 9 ans de relation. On dit que l’amour meurt à 3 ans. Moi, il m’a épousé.

Nos anniversaires se déroulent toujours de la même façon: une fois par an nous allons manger au Barranzo, un restaurant italien. Il me tire la chaise. Je le sens, derrière moi. Je tremble quand il rapproche le fauteuil. Ses gestes sont doux. L’endroit est plein.

Il commande un plat pour deux. Des poivrons.

Seule, je ne mangerais que des aliments violets: les aubergines, les fruits de la passion, des raisins, des prunes, des figues. Mon assiette tous les soirs est bien organisée. C’est Miguel qui cuisine. Du vert, du beige, du rouge. Les doses sont calées au gramme.

Alors, quand il dort, après 23h, et que je me glisse hors du lit, trottine jusqu’au garage, ouvre le placard, prends la boîte en plastique bleu, alors, là, je me gave de baies.

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Dimanche 17 Janvier – Nina

Dimanche 17 Janvier – Nina

Mon corps est une toile, une œuvre de maître dont personne ne peut se délecter sauf peut être l’artiste lui-même quand il me déshabille. Du pointillisme. Du poingtillisme plutôt.

La douche est assez douloureuse, alors je ne frotte plus. Je laisse l’eau couler sur ma peau jaune, noire, violette, bleue, beige, rouge, jaune, noire… J’ai remis de la musique mais tout doucement. Il ne supporte pas ce chanteur. Je n’ai pris aucun risque, j’ai fermé la porte à clés.

Enveloppée de chaleur, puis de ma serviette, les cheveux humides, la glace me renvoie l’image d’une femme papier. Friable, pliable, sur laquelle tout reste à écrire. Ou effacer ?

Je n’ai plus d’héroïnes. Je sais qu’elles n’existent pas. Enfant, je rêvais d’être cavalière. Championne de saut d’obstacles. Papa les regardait à la télé. Elles dirigeaient cet animal, puissant et formidablement beau. Elles en prenaient soin.

On croit que les femmes dans mon genre ont eu une enfance difficile. Qu’elles reproduisent. Qu’elles ne voient pas la faille.

J’ai eu une enfance bénie. Je voulais partager mon bonheur. Moi je voulais juste sauver quelqu’un.

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Septembre 2015 (2) – Delphine

Septembre 2015 (2) – Delphine

Déjà quinze jours que je côtoie des jeunes personnes. Je me crois dans un reportage animalier où les meutes se croisent, s’écharpent, les couples se forment et tout finit toujours autour d’un festin.

Sauf qu’ici le festin est composé de frites et d’hamburgers.

Ma marche pour changer le monde devra commencer par le mode de consommation. Je suis végétalienne, depuis 10 ans maintenant. Depuis qu’André est mort, j’ai décidé d’arrêter de consommer les autres animaux. André, c’était mon ami, un jack russel d’à peine 11 ans.

Pas décevant pour deux sous lui au moins.

Les enfants n’ont encore pas compris ce qui m’arrivait. Les deux plus vieux ont vu leur mère passer d’une carnassière qui ramenait 2 conquêtes par semaine à la maison à une écolo grisonnante qui mangeait de la salade et recherchait l’amour d’un homme.

Ma fille, je ne la connais que très peu. Je ne sais pas ce qu’elle connait de moi, ce dont elle se souvient. Physiquement, c’est son père. Je ne lui dirai jamais, on ne parle pas de ces sujets-là.

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Samedi 16 Janvier – Nina

Samedi 16 Janvier – Nina

A 8h00 le réveil sonne et nous nous levons.

L’un va chercher le pain, l’autre met l’eau à chauffer. L’un utilise la salle de bain, l’autre se recoiffe devant le miroir de l’entrée.

Il y en a eu des moments de joie, à deux. A chaque fois, cassés par sa férocité. Sa main s’abat sur mon bras. Il s’est brûlé avec le thé.

« Salope, tu fais exprès que je me crame ».

J’aimerais lui répondre que oui. Je veux tellement brûler sa langue qu’elle se disloque. Qu’aucun mot ne puisse à jamais plus sortir de sa bouche. Que le feu gagne son gosier. Qu’il s’envole jusqu’à l’hémisphère gauche, qu’il détruise tous les neurones. Que la fumée vienne jaunir ses yeux. Que ses cheveux fondent sous le feu vif.

Mais ce n’est pas intentionnel. L’eau est tiède.

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Décembre 2015 (3) – Céleste

Décembre 2015 (3) – Céleste

Noël approche et mes doutes avec.

Le seul avantage de Noël c’est qu’on peut boire sans que maman nous fasse les gros yeux. La dernière fois que je l’ai vu, ça remonte à trois mois. La dernière fois que je lui ai parlé, ça remonte à deux ans.

Maman me ressemble en mieux. Mais elle ne le sait pas. L’âge l’a assagi ou a-t-elle toujours été ainsi: chaleureuse, intéressante, vive ? Est-elle aussi cassée que moi de l’intérieur ?

Je suis un robot au moteur rouillé: il y a une fuite à l’intérieur de moi. C’est rare quand les larmes coulent sur mes joues. Elles coulent le long de mon œsophage, contournent mon cœur, finissent dans mon estomac. Et j’ai des ulcères. Le médecin me dit que je devrais faire de la sophro. Et boire davantage d’eau.

De l’eau j’en bois. Dans mon café. Dans mes cafés. Dans les 12 cafés quotidiens.

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Septembre 2015 – Delphine

Septembre 2015 – Delphine

Des yeux verts et roses. « Voici ta carte d’étudiante, tu vas pouvoir t’en servir pour la BU et le self ».

Il y a quelques années, je vouvoyais tout le monde: des enfants de 2 ans aux grands parents. Je voulais souligner tout le respect que je leur portais. Je vouvoyais le chat, même. On parlait peu, je ne pouvais pas me targuer de bien le connaître, Albert.

Et puis, j’ai voulu changer de ton. Je ne voulais plus montrer du respect, mais de l’amour, un bel amour inconditionnel pour mon prochain, du pécheur à mon ami dans le bien.

« Merci de ton aide. Je repasse lundi prochain ! ».

« Mon ami dans le bien »: une expression que j’ai beaucoup lu et que j’ai du plaisir à utiliser. Des amis dans le bien, je n’en ai pas tant que ça. Ou alors, ils sont encore plus vieux que moi. Comme si les moins de trente cinq ans n’étaient pas encore adultes. En pleine crise d’adolescence, ils se regardent encore le nombril.

Les yeux verts et roses restent fixés sur l’écran pendant que je quitte le comptoir.

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Prologue – Delphine

Prologue – Delphine

C’est bientôt la rentrée et je suis dans mes petits souliers d’étudiante. Sans en avoir l’âge. Les allées sont grises et vertes et les regards gentils. Sauf l’administration, mais normal pour du personnel sous payé.

Je veux changer le monde.

Je veux comprendre pourquoi on en est arrivé là, et que faire pour s’en sortir. Complexe de super(wo)man ? Oui, je suis une dégourdie, et depuis toujours, surpassant ma timidité et mes doutes, je prends mes rêves pour une réalité.

Et mon rêve, c’est de sauver l’humanité.

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Début Janvier 2016 – Céleste

Début Janvier 2016 – Céleste

C’est un jour de repos. Je suis trop agitée pour être en repos. Je suis déjà assise sur le canapé à 7 heures, avec mon café à la main. Mercredi, c’est le jour des enfants et j’aimerais en être encore une.

Enfant, j’ai tout essayé: judo, danse, dessin, gymnastique, chant, théâtre, guitare, piano et accordéon. C’est maman qui à cette époque essayait de remplir mon emploi du temps. Moi, je restais tranquillement allongée dans l’herbe ou sur le haut des marches au soleil ou je gueulais sur le petit voisin qui écrasait les fourmis. C’était déjà une vie bien remplie.

Et puis je me suis agitée. Les hormones, l’habitude, la ville.

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