Le Dîner – Coline

Le Dîner – Coline

Je n’ai pas appelé. Pas envoyé de message. Je n’ai pas prévenu. La nuit est tombée, j’ai confié la petite. Et j’ai attendu. Sans bruit. Sauf celui du lave vaisselle.

Ce sont les 2 heures les plus longues de ma vie.

J’ai fait cuire du riz. Il ne mange pas le soir, généralement, il a mangé avant, mais il devra se mettre à table. J’ai mis une nappe. Mais un gros pull. Je meurs de froid. Je n’ai pas allumé la grande lumière, trop brute.

Je le ferai d’abord asseoir sur le canapé. Il refusera, mais je lui lancerai un regard sans appel. Le canapé semblera si dur que je m’y poserai à peine. Sur un bout de l’angle. Je lui désignerai l’autre bord.

Pas besoin de se poser la question de si je l’embrasserais à son arrivée.

On ne s’embrasse plus vraiment à ses retours. J’ai cru que l’arrivée de la petite m’avait rendue plus mère que femme. Que c’était normal.

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Vaux-le-Pénil (2) – Nina

Vaux-le-Pénil (2) – Nina

Déjà, à travers l’œillet, j’aurais pu le deviner. Le même nez.

Quand elle m’a donné son nom de famille, tout s’est éclairé.

Céleste est la sœur de Louis. Mon Louis. Celui que j’avais lamentablement fui alors qu’il voulait me sauver.

J’avais eu 3 ans pour regretter ma faiblesse. 3 longues et atroces années. Alors je n’avais plus à réfléchir. J’ai montré à Céleste mon corps. Louis lui avait parlé de moi.

Elle a caché ses larmes. Je l’admire déjà.

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Vaux-le-Pénil – Céleste

Vaux-le-Pénil – Céleste

C’est quand on a tourné à l’angle de la rue que Nina a de nouveau remis son armure.

Moi, j’avais changé: j’avais décidé de prendre le temps. Chaque seconde allait compter. Avoir une partenaire de marche n’était pas dans mes projets. Mais je prendrai le temps pour elle. Nina m’a touché dès qu’elle a ouvert sa porte. Une femme banale, si fragile. Un gabarit moyen, des yeux communs, des cheveux qui cachent ses traits tirés.

Quand elle a ri. Quand elle a ri, tout a changé. J’ai attrapé sa main et sa maison si nette, si propre, si organisée: pas un seul livre.

Nina m’a tout raconté. Sans mot. Elle m’a montré son dos.

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Le Poème Imbibé, mai 2015 – Céleste

Le Poème Imbibé, mai 2015 – Céleste

Toute petite et toute fripée,

dans un coin, j’me suis couchée

seule m’accompagne ma nudité,

dans le noir, je me refais,

le film de ma vie

de toute petite, les pissenlits,

à maintenant, nue dans mon lit.

 

J’ai décidé qu’pour m’apaiser,

J’allais plus m’laisser aller,

Fallait pas qu’j’sois accompagnée

Par de bras gros et musclés.

 

Alors debout dans mon salon,

C’est mon pinceau que je saisis,

Et sur la toile déjà ternie,

C’est pas ton visage qui se dessine.

 

C’est un soleil, puis une colline,

C’est le chien de grand mère et le paradis,

C’est que des formes géométriques,

En mille couleurs que je décline.

La tasse brisée – Quelqu’un

La tasse brisée – Quelqu’un

Elle tourne en rond. De petits ronds. De plus grands. Au fur et à mesure. Elle s’est même cognée dans un mur et la table. Ça en devient presque frénétique. Elle fait des ronds, et elle a l’impression de danser.

Dans sa tête, trop d’images. Elle en a perdu le son. Elle danse sur les couleurs qui jaillissent. Elle n’est plus vraiment là. Il lui a dit que c’était un état dépressif, mais elle s’est dit que la médecine avait pas encore compris que l’art n’était pas une maladie comme les autres.

Elle est infectée, une plaie grande ouverte. Son appartement est un pansement qui la protège des autres bactéries qui menacent de rentrer.

Elle a tapé dans la table.

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La Lettre (2), Juin 2016 – Miguel

La Lettre (2), Juin 2016 – Miguel

Miguel,

 

Voilà plus d’un an que l’on se voit. J’avais écrit une première lettre et j’ai rencontré ta femme. Je ne sais même pas pourquoi j’ai décidé de te laisser quand même un mot. Tu as compté.

Nina est magnifique, d’une douceur et d’une poésie folle. Tu l’as brisé. Comment as-tu pu être si bon avec moi et si mauvais avec elle. Peut-être car tu ne me possédais pas. Tu m’as fait grandir. Je prendrai soin d’elle. N’essaye pas de nous retrouver. Tu ne la toucheras plus jamais.

Heureusement qu’aucune déclaration n’ait jamais franchi mes lèvres: que me serait-il arrivé ?

Adieu. Reste l’homme que tu as été avec moi. Cache l’autre.

 

Céleste

La rencontre, Juin 2016

La rencontre, Juin 2016

Il est 9h30. Je suis en train de finir de ranger les restes du petit déjeuner de Miguel, déjà parti. C’est dimanche. Il fait beau.

Le plan de travail est chauffé par le soleil.

Ça sonne à la porte.

Quand j’ouvre, je découvre une jeune femme, très fine, très belle. Aux cheveux clairs. Au teint pâle, mais pas diaphane. Quelques veines violettes percent à travers sa peau. Elle ne sait pas si elle doit sourire ou non. Sa bouche est presque grimaçante. Elle a un gros sac à dos vert, des chaussures de marche. Elle a déjà marché au moins une demi journée. Elle semble troublée de me trouver là. Et rassurée en même temps.

Normalement, je n’ai pas le droit d’ouvrir la porte sans m’assurer de connaître la personne dans l’œillet. Mais depuis quelques temps, ma désobéissance a pris le dessus. Je prends chaque micro occasions pour vivre. Rencontrer. Respirer.

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La confrontation, Juin 2016 – Coline

La confrontation, Juin 2016 – Coline

Je ne lui parlerai plus jamais. En partant, elle a fait tout éclater. Elle a prononcé des mots qu’elle n’aurait pas du dire. Elle a insinué des choses qu’elle n’aurait pas du insinuer.

Elle a dit qu’elle avait fait une déclaration aux services sociaux. Qu’elle savait que je suis trop faible pour prendre le problème à bras le corps. Elle a dit que si elle croisait Patrice, elle le buttait. Elle a dit que je devais réagir vite. Que ça ne pouvait pas se reproduire.

Qu’elle se barre la hippie alcoolique ! Qu’elle prenne la route.

Quand elle a commencé à présenter son projet, je me suis dit : quel mec elle suit encore ?

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L’abandon, Juin 2016 – Max

L’abandon, Juin 2016 – Max

Céleste est venue. Elle m’a embrassé les deux joues, passé une main sur ma tête. Elle m’a donné un chèque. M’a dit de faire attention à moi, qu’elle serait peu joignable. Elle m’a dit qu’elle allait utiliser le dossier que maman nous avait donné. Qu’elle allait marcher. Qu’elle trouverait. Qu’elle en pouvait plus.

Elle a déversé tant de mots sur moi que je suis inondé. Mon studio est plein de mots suspendus partout qui menacent de me tomber dessus à tout moment.

Elle m’a dit qu’elle était trop jeune pour cette vie là. Elle m’a dit: je t’aime, mon frère chéri.

Moi, je n’ai rien dit. Après avoir soudainement ouvert son âme, elle a fermé la porte.

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