Il a recommencé à m’ignorer. Je ne sais pas si c’est une bonne chose. Ne plus exister c’est plutôt doux et reposant. Mais je suis angoissée: menace sourde du boomerang qui ne saurait tarder à faire demi tour, agrippant dans le vent de la force.
Dans la cuisine, le café fumant m’empêche de voir son visage. Rien ne saurait venir briser nos solitudes. Je tente le tout pour le tout et fredonne. Une chanson douce. Je ne connais même pas les paroles. Il allume la radio.
Des morts, toujours des morts. J’essaye d’être triste pour eux mais j’en suis incapable. Je suis mélancolique des premières soirées, des rires, des jeux. Je n’ai pas de place en moi pour le présent car le passé est omniprésent.
Devrais-je vous décrire ses yeux noirs ? Non. C’est évident que cela ne vous intéresse pas. Est-ce que ses cheveux clairs ont de l’importance ? Le fait qu’il soit grand. Sa stature imposante ? Non. Je ne vous ennuyerai pas avec tout ça.
J’ai arrêté de chanter car il n’y a personne pour m’écouter. Je n’ose pas changer de station même si celle-ci me lasse. Alors je quitte la pièce.