Mon corps est une toile, une œuvre de maître dont personne ne peut se délecter sauf peut être l’artiste lui-même quand il me déshabille. Du pointillisme. Du poingtillisme plutôt.
La douche est assez douloureuse, alors je ne frotte plus. Je laisse l’eau couler sur ma peau jaune, noire, violette, bleue, beige, rouge, jaune, noire… J’ai remis de la musique mais tout doucement. Il ne supporte pas ce chanteur. Je n’ai pris aucun risque, j’ai fermé la porte à clés.
Enveloppée de chaleur, puis de ma serviette, les cheveux humides, la glace me renvoie l’image d’une femme papier. Friable, pliable, sur laquelle tout reste à écrire. Ou effacer ?
Je n’ai plus d’héroïnes. Je sais qu’elles n’existent pas. Enfant, je rêvais d’être cavalière. Championne de saut d’obstacles. Papa les regardait à la télé. Elles dirigeaient cet animal, puissant et formidablement beau. Elles en prenaient soin.
On croit que les femmes dans mon genre ont eu une enfance difficile. Qu’elles reproduisent. Qu’elles ne voient pas la faille.
J’ai eu une enfance bénie. Je voulais partager mon bonheur. Moi je voulais juste sauver quelqu’un.
Il avait aussi eu une enfance facile. Mais c’est comme si derrière cette façade il y avait un cratère. Et je l’ai senti. Immédiatement. Il ne dormait pas. Il parlait bien et peu. Il calculait.
Alors, j’ai voulu mettre de la lumière. Je croyais que les femmes, c’était ça. Apaiser et adoucir comme motto.
La première fois qu’il l’a fait, on était ensemble depuis 3 semaines. La veille, je lui avais dit « je t’aime ».