Un pied sur une chaise, un pied par la fenêtre, je cherche mon équilibre pour ne pas retomber vers l’intérieur.
La grande évasion, c’est aujourd’hui.
Un jour, il était venu un autre homme. Par hasard. On avait partagé un accoudoir dans un train. Ça l’avait mis en rage bien sûr, Miguel, quand il avait vu sa manche toucher mon manteau.
On s’était levés, on avait changé de wagon.
Mais il m’avait retrouvé. Touché par mon regard avait-il dit. Que pouvait-il faire avait- il dit.
A l’époque, la question ne se posait pas. La réponse était toute prête. Claire et cristalline.
« Tout va bien, c’est gentil ». Sourire. Crispé.
Il avait insisté, demandé mon numéro, si j’avais besoin de parler.
« Je suis une femme mariée » lui ont répondu mes talons.
Mais aujourd’hui c’est décidé, je pars. Les jambes ballantes dans le vide, je lorgne le buisson et me demande si ça sera douloureux de sauter.
La porte de la chambre va céder au bout d’un moment, je n’ai pas le choix.
Aujourd’hui, c’est décidé, c’est moi qui gagne. On est vendredi. J’ai bu mon café, préparé un sac à dos, mis une paire de tennis.
Qu’est ce que tu fous
Tu dors
Tu appelles quelqu’un
Putain, la connasse
Elle croit que je me rends pas compte
Allez, ouvre bordel de merde
Tu écoutes encore la musique à fond
Bordélique en plus
Je vais défoncer cette p’tain de porte et après ta gueule
Pourquoi tu me fous toujours en rage
Si t’avais ouvert direct cette porte je s’rais pas énervé
Pourquoi tu m’écoutes jamais
Je m’entends difficilement penser. Alors je saute, j’écorche mes genoux. Je fais le mur. Je vis.
Je monte dans la voiture du mec à l’accoudoir. Nous pleurons, nous roulons.