La Lettre (2), Juin 2016 – Miguel

La Lettre (2), Juin 2016 – Miguel

Miguel,

 

Voilà plus d’un an que l’on se voit. J’avais écrit une première lettre et j’ai rencontré ta femme. Je ne sais même pas pourquoi j’ai décidé de te laisser quand même un mot. Tu as compté.

Nina est magnifique, d’une douceur et d’une poésie folle. Tu l’as brisé. Comment as-tu pu être si bon avec moi et si mauvais avec elle. Peut-être car tu ne me possédais pas. Tu m’as fait grandir. Je prendrai soin d’elle. N’essaye pas de nous retrouver. Tu ne la toucheras plus jamais.

Heureusement qu’aucune déclaration n’ait jamais franchi mes lèvres: que me serait-il arrivé ?

Adieu. Reste l’homme que tu as été avec moi. Cache l’autre.

 

Céleste

La rencontre, Juin 2016

La rencontre, Juin 2016

Il est 9h30. Je suis en train de finir de ranger les restes du petit déjeuner de Miguel, déjà parti. C’est dimanche. Il fait beau.

Le plan de travail est chauffé par le soleil.

Ça sonne à la porte.

Quand j’ouvre, je découvre une jeune femme, très fine, très belle. Aux cheveux clairs. Au teint pâle, mais pas diaphane. Quelques veines violettes percent à travers sa peau. Elle ne sait pas si elle doit sourire ou non. Sa bouche est presque grimaçante. Elle a un gros sac à dos vert, des chaussures de marche. Elle a déjà marché au moins une demi journée. Elle semble troublée de me trouver là. Et rassurée en même temps.

Normalement, je n’ai pas le droit d’ouvrir la porte sans m’assurer de connaître la personne dans l’œillet. Mais depuis quelques temps, ma désobéissance a pris le dessus. Je prends chaque micro occasions pour vivre. Rencontrer. Respirer.

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La confrontation, Juin 2016 – Coline

La confrontation, Juin 2016 – Coline

Je ne lui parlerai plus jamais. En partant, elle a fait tout éclater. Elle a prononcé des mots qu’elle n’aurait pas du dire. Elle a insinué des choses qu’elle n’aurait pas du insinuer.

Elle a dit qu’elle avait fait une déclaration aux services sociaux. Qu’elle savait que je suis trop faible pour prendre le problème à bras le corps. Elle a dit que si elle croisait Patrice, elle le buttait. Elle a dit que je devais réagir vite. Que ça ne pouvait pas se reproduire.

Qu’elle se barre la hippie alcoolique ! Qu’elle prenne la route.

Quand elle a commencé à présenter son projet, je me suis dit : quel mec elle suit encore ?

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L’abandon, Juin 2016 – Max

L’abandon, Juin 2016 – Max

Céleste est venue. Elle m’a embrassé les deux joues, passé une main sur ma tête. Elle m’a donné un chèque. M’a dit de faire attention à moi, qu’elle serait peu joignable. Elle m’a dit qu’elle allait utiliser le dossier que maman nous avait donné. Qu’elle allait marcher. Qu’elle trouverait. Qu’elle en pouvait plus.

Elle a déversé tant de mots sur moi que je suis inondé. Mon studio est plein de mots suspendus partout qui menacent de me tomber dessus à tout moment.

Elle m’a dit qu’elle était trop jeune pour cette vie là. Elle m’a dit: je t’aime, mon frère chéri.

Moi, je n’ai rien dit. Après avoir soudainement ouvert son âme, elle a fermé la porte.

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Le premier pas, Juin 2016 – Céleste

Le premier pas, Juin 2016 – Céleste

C’est ce que je lui ai dit. Sans détour, sans fioriture. Voilà. Je l’ai lâché. Il a à peine bronché. Des filles comme moi, il y en a beaucoup. Peut être moins laborieuse, mais seulement, y avait-il prêté attention ?

Si c’était ce que je voulais, aucun soucis, il a dit. Lui laisser 3 semaines de préavis il a rajouté.

La porte m’a semblé loin quand je me suis levée. J’ai affronté le silence pendant les 5 secondes qui m’en séparaient et qui m’ont parues une éternité. Je n’ai pas hâté le pas. On m’avait toujours dit de ne pas courir devant un animal sauvage, que sinon, on devenait une proie.

Lui, avec ses cheveux brun et sa barbe, c’était bien un ours. Mais sa voix nasillarde, ça en faisait bien une hyène.

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Le chien – Nina

Le chien – Nina

J’ai toujours aimé les animaux. Plus il y avait de poils, plus je pouvais enfouir mon visage dans un pelage, plus j’aimais l’être qui me cachait.

J’ai cependant toujours eu une réticence à m’attacher à un chat. En dehors de la vie de couple, j’ai du toujours croire que l’attachement, l’amitié, l’amour, n’avaient de valeur que s’ils étaient partagés.

Le bain coule et je suis enveloppée. J’ai pour routine de me plonger dans un bain gelé. De grelotter. Devenir rouge et bleu. Que le froid brûle ma peau.

Et puis, petit à petit, je remplis, goutte à goutte, d’une eau bouillante, qui, se mélangeant à l’eau glaciale, se tempère après mis mes orteils en feu. Métaphore de la vie. Impermanence des sensations. Je fais des bulles de savon.

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Prologue – Une Petite Fille

Maman m’a fait un bisous sur le front et j’ai arrêté de rêver au dragon. J’ai très froid. Maman a dit que c’était normal, que c’est l’hiver et qu’il faut vite me débarbouiller.

Dans la salle de bain elle a vite frotté mon visage avec le gant rose de Minnie et elle m’a lavé les fesses. Elle m’a dit qu’il fallait que je sois plus sage et que je n’ai plus l’âge de faire pipi au lit. Que les grands de 7 ans comme moi, ça devait se retenir ou se lever.
Moi la nuit je n’ose pas sortir du lit. Il y a des ombres dans la pièce et la porte du placard fait du bruit. Maman dit qu’elle demandera à papa d’acheter une veilleuse mais papa travaille beaucoup et ma chambre est toujours noire.
Le matin je n’ai pas très faim alors maman achète spécialement des céréales rigolotes qui flottent sur le lait et que je m’amuse à faire tomber au fond du bol. Au final, c’est pas très bon mais je les mange pour pas me faire gronder.

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L’Adieu à Matthieu – Céleste

L’Adieu à Matthieu – Céleste

Quand le téléphone a sonné pour la dixième fois, j’ai refusé de décrocher. Comme les 9 premières fois.

Quand on sait ce que les gens veulent nous dire, est-ce bien nécessaire d’en faire un foin ? J’attends qu’il se lasse.

Keep busy.

Fourmillements dans mes oreilles.

Je lis aujourd’hui.  Carnets du sous sol. Dostoïevski. En regardant un livre sur Hopper.

Aujourd’hui, je reste occupée, loin des fenêtres qui donnent sur la rue et de mon téléphone.

Mais déjà voilà que ça frappe à la porte. Laissez moi en paix.

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Quelqu’un – Il y a longtemps

Quelqu’un – Il y a longtemps

Elle ne sait pas vraiment depuis combien de temps elle est là. Elle regarde le réveil qui trône sur une petite table de chevet. Des chiffres. Si elle aime regarder les mots, elle trouve les nombres froids et muets. Un mot, plein de boucles, de ronds, avec des points et des lignes droites, ça dessine des histoires.

Un chat se cache dans le mot charmant et un papillon dans philosophie.

Elle aime dessiner.

Lui, il le sait. C’est pour cela qu’il a installé cette pièce. « Il n’est pas si méchant » pense-t-elle.

Elle regarde ses pieds nus, les montagnes qui côtoient les lignes électriques telles des rivières, et la poussière de la moquette qui s’y est accrochée.

Elle rit, un de ces rires francs d’enfants qui ne craignent pas de recevoir une gifle après un moment d’emportement.

Lui, il rentre, il lui tend la main, il l’aide à se lever. Elle, sensible au toucher doux de la main, se laisse faire. Lui, la serre contre son corps délicatement, lui embrasse le front, lui prend la taille. Ils dansent au son des voitures qui envahissent la rue. Lui, aime son visage de femme mûre et accepte la folie qui l’étreint. Elle ne croit pas le reconnaître.

Elle, elle croit que cet homme est beau, et qu’il est tendre avec elle en ce moment. Lui, lui ouvre la porte et l’emmène dans la cuisine, lui tend une chaise. « Tu veux manger ? » demande-t-il. « Oui » fait-elle de la tête.

Elle n’est pas muette, elle sait murmurer, elle chante parfois, mais elle redoute de parler, de combler le silence par des choses stupides qui sortiraient de sa bouche.

Alors, elle murmure, de peur de s’imposer.